Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce chef d’œuvre de Jorge Furtado…
(Ce n’est pas la première fois que je le partage, je sais… Et certainement pas la dernière…)
Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce chef d’œuvre de Jorge Furtado…
(Ce n’est pas la première fois que je le partage, je sais… Et certainement pas la dernière…)
Se faire un peu peur en vérifiant lesquels de ses « amis » déclarent « aimer » l’ancien comique au ridicule geste débandant dont on a marre d’entendre parler sur réseau social. En trouver 22 – oui, vingt-deux. S’interroger sur la part de pseudo esprit punk de certains (misère…) ; sur l’aveuglement naïf de la plupart qui pensent que leur bon plaisir – par exemple une bonne tranche de rigolade – a tous les droits ; sur l’absence de réflexion d’autres, se contentant d’un quotidien décérébrant teinté de petits moments soi-disant « anti-système » pour ne pas sombrer dans la dépression ; et puis sur l’électroencéphalogramme plat d’autres, encore, dénués de la moindre conscience de « vivre ensemble » – pour ne même pas évoquer une « conscience politique », on n’en est même plus là… Espérer vivement que certains ont cliqué par erreur – finalement, avec ces écrans tactiles, sait-on jamais.
Surprendre cette image mentale : des armées de singes lâchés en pleine rue avec des rasoirs. (Car l’image mentale oublie qu’à cause de ces fâcheux, on ne peut plus écrire « singe » ou bouffer une banane – plutôt verte, pour ma part, merci – tranquille. L’image mentale est comme ça : libre et pleine d’espoirs.) Est-ce que ce serait moins dangereux, ces hordes surexcitées à lames aiguisées ? Se souvenir de la façon dont on jugeait, sans aucune pitié, le cœur battant et la révolte à vif, les collabos, en France, quand on était gamin, quand on a découvert leur existence dans les livres d’histoire et les paroles des anciens. Comme le monde était binaire, alors, rassurant. On condamnait les collabos et aussi ceux qui n’avaient rien dit. Qui se contentaient de laisser faire. On les méprisait. On plissait un peu le regard, la bouche serrée, en y pensant. On se sentait tellement différent. On se promettait d’être pur, généreux, sans concessions. D’être les lendemains qui chantent après les blessures de l’Histoire. Ne pas avoir envie, aujourd’hui, de foutre les mains dans le cambouis. Oui. Soupirer. Estimer avoir d’autres choses à faire que de se plonger dans des dialogues de sourds, ayant pu mesurer à quel point la communication pouvait être un défi – et tout particulièrement la communication de valeurs. Mais se demander comment ça va tourner, toute cette merde. Ce qu’il faut faire. Et selon le vent qui viendra (les premiers relents puent déjà pas mal, hélas), se demander comment on sera jugé dans trente ou cinquante ans, par des enfants au cœur altruiste, qui regardent l’horizon. Pour avoir observé le cirque, avoir détourné la tête des gros titres désespérants de bêtise, s’être réfugié dans un monde de pensée. Tous les petits accrocs à la dignité, mis bout à bout.
La réponse appartient à chacun, et pas aux décisions d’État. Tripoter la liberté d’expression ne changera rien à l’affaire – et pourrait s’avérer fort dangereux –, ce sont les peuples qui décident. L’État ne cesse d’infantiliser ses citoyens qu’il traite en enfants capricieux (et les manger-bouger, et les fumer-tu, et les attention-au-marchepied…) mais il faut le répéter : ce sont les peuples qui décident. Que chacun ait donc conscience de sa responsabilité.
Tâcher de chérir son courage et de se donner les moyens d’un monde dans lequel on aurait envie de vivre. La route est longue, mes amis. Commençons à marcher. Et inventons les étapes : paroles, actions, générosité, livres, discussions, poésie, lettres…
P.S. : 1) Un texte à lire de Jean-Noël Lafargue, « Justice subjonctive ».
2) Au moment où j’écris ces lignes, je vois encensée une vidéo d’un ancien signataire du « manifeste des 343 salopards » – avant rétractation, donc… – tapant sur le méchant humoriste et tous les antisémites… en multipliant des gestes de sodomie (une merguez au bout du bras) avec un accent de Rebeu de banlieue. Est-il besoin de réfléchir beaucoup pour voir le problème ?… Et arrêtons de jouer avec la nourriture, par pitié…
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Bientôt le Salon du Livre 2013… On se souvient qu’à la veille de celui de l’année passé, on avait été invitée par l’équipe du hub politique de Libé à participer au Libé des Écrivains du 15 mars 2012. On peut lire ma contribution ici.
C’est toujours une journée très intense et euphorique. Il est très enrichissant de se frotter à d’autres rythmes d’écriture – en l’occurrence assez précipités – et l’équipe politique m’a fait découvrir plein de choses, des aspects méconnus des programmes des candidats, des sites lexicographiques passionnants… Encore merci !
Tagué:Laure Limongi, Libé, Libé des écrivains, politique
C’est un hexagone qui atteint 671 000 km2, son littoral s’étend sur 8245 km. Une merveille écologique, un catalogue de paysages, des falaises bretonnes aux massifs alpins, des campagnes verdoyantes à l’île de beauté, et même de l’outre mer avec du climat tropical. Une histoire avec de la fleur de lys, de la bataille rutilante, du héros national, du patrimoine. Une perle européenne où il fait bon vivre, que l’étranger nous envie. France, terre de culture, de bonne bouffe, de raffinement. Baguette de pain, hôtels de charme, châteaux de la Loire, confit de canard, et Code pénal. Oui mais voilà. Vous la sentez, cette pesanteur qui s’abat sur nous depuis quelques années ? Vous sentez cette honte d’observer chaque jour un peu plus la liberté, l’égalité, la fraternité bafouées ? Les Lumières à la cave, la muséification délétère, l’oubli des valeurs, la création considérée comme un passe-temps superfétatoire. Vous aussi vous pleurez bêtement en regardant des CRS violenter des familles sans logement ? Et puis ensuite vous vous étouffez tout aussi bêtement dans vos pleurs, animé d’une rage impuissante ? Muselé par l’impuissance. Le dégoût, la résignation, sont votre quotidien. Vous travaillez plus pour gagner moins. Vous avez peur, l’hiver, de croiser les regards de ceux qui dorment dehors, vous vous dites mais pourquoi ne trouve-t-on pas de solution ; vous vous dites et si c’était moi, si je déconne, si quelque chose déconne, ça peut être moi ; vous êtes secoué d’un frisson et vous accélérez le pas ; vous comprenez que si on ne trouve pas de solution, c’est pour que vous ayez peur et que vous marchiez droit, que vous fassiez tout pour ne pas finir à la rue, comme on laissait les pendus se balancer aux coins des rues au Moyen Âge. Vous rêveriez de soulever des montagnes, vous arrivez à peine à vous lever le matin. Vous voudriez partir au bout du monde soulager toute la misère du monde, vous n’avez même pas la constance d’agir à votre porte. Vous fantasmez des idéaux et vous ne parvenez pas à en soutenir l’intensité. Vous restez interdit, suspendu dans la fange. Vous êtes outré de voir partir des charters. Vous êtes choqué de constater qu’on institue un outrage au drapeau, plein de sang dans le bas et de ciel dans le haut, alors que n’importe quel citoyen peut être maltraité à tout moment par une police toujours plus puissante. Vous avez une carte d’identité et même un passeport, vous avez eu la chance de l’obtenir sans difficulté, étant français de parents français. Vous êtes soulagé de ne pas avoir eu de difficulté à obtenir votre passeport. Vous avez une carte électorale, que vous utilisez docilement à chaque élection, vous votez même utile, quand il le faut, souvent avec un haut-le-cœur. Vous écarquillez les yeux quand vous entendez nationalité et déchéance. Vous n’y croyez pas trop, mais vous avez bien entendu. Vous n’avez pas la force d’y croire, vous avez déjà avalé tant de couleuvres. Vous regretteriez presque Giscard et Chirac. Vous n’êtes pas du même bord politique, mais vous n’aviez pas honte d’eux. Le dégoût colle, l’écœurement se respire. Vous évoluez dans un cirque d’indignité, vous faites la roue, vous trébuchez, vous vous relevez, époussetant les compromissions. Vous vous sentez infiniment vieux alors que vous ne l’êtes pas… comment les choses ont-elles pu dégénérer aussi rapidement ? Vous vous demandez si cela va changer un jour. Vous vous dites qu’il faut que cela change, un jour, et vite. Vous espérez une énergie, une synergie, quelque chose. Vous pensez aux dictatures, aux blessures de l’Histoire, et vous vous demandez comment vous pouvez vous laisser atteindre par cette chape infâme aux habits de redressement économique alors que vous marchez librement dans la rue, alors que votre vie n’est pas menacée ; vous en êtes gêné. Vous vous pensiez plus fort que ça. Mais ça s’insinue, insidieusement, ça ronge. Vous ne vous sentez pas à la hauteur du défi. Vous devez être à la hauteur, pourtant. Oui, vous.
Ajout du 28 août :
J’ai la chance de ne pas avoir de problème pour renouveller mon passeport. Je suis née à Bastia. Ma mère est née à Marseille, mon père à Rapaghju. Mes grands-parents paternels sont nés en Castanicchia – entre Granajola et Orezza ; jusqu’à preuve du contraire, c’est sur le territoire français depuis 1768, enfin, 1769 après la bataille de Ponte Novu. Mes grands-parents maternels ont dû naître entre Marseille et La Ciotat – mais de ce côté-là, il y a une histoire d’assistance publique… donc, impossible de remonter plus loin… donc peut-être qu’un jour, hein… En attendant cet éventuel épisode kafkaïen, on ne peut qu’avoir le cœur déchiré en regardant des témoignages comme celui de Fabienne Chemama, recueilli par Libé – ou : l’histoire française a la mémoire courte.
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Il doit faire bon vivre à Montreuil, en ce moment… – Antiphrase, pour ceux qu’auraient pas compris… Joachim Gatti est frappé – trois fractures au visage, le globe oculaire fendu en deux, la paupière arrachée – par une flashball en pleine tête pendant une manifestation festive et pacifique – j’imagine que la perspective de prendre un gnocchi cru – ou même cuit, horreur ! malheur !!! – sur le casque paraissait totalement insoutenable aux CRS dépêchés afin de disperser ces horribles cuisiniers amateurs dont le synonyme habituel dans l’argot des gens armés portant du bleu marine et se coiffant très court est « sale gaucho » – ce dictionnaire spécialisé ne comportant qu’une trentaine d’entrées, faut pas leur en vouloir si quand la consigne est « ne pas frapper au-dessus de la taille », ben justement, ils frappent au-dessus de la taille…
Dans la presse, via le dieu AFP qu’on recopie souvent à la va-vite, on apprend le lendemain de cette bavure – qui n’est pas reconnue comme telle – qu’un « jeune homme d’une vingtaine d’années, qui occupait, avec d’autres personnes, un squat évacué mercredi à Montreuil (Seine-Saint-Denis), a perdu un œil après un affrontement avec la police ». On félicite les « sources concordantes » dont se justifie l’AFP – on imagine qu’elles s’habillent comme Robocop, version bleu marine. Or, Joachim Gatti est un réalisateur et acteur de 34 ans – toujours jeune, j’en conviens, puisque j’en ai 33, mais il n’a pas 20 ans… Son père, Stéphane Gatti, a rétabli la vérité dans une lettre – dont vous pouvez lire l’intégralité ici : « Il n’habitait pas au squat, mais il participait activement aux nombreuses activités de la clinique. Il est cameraman. Il fabrique des expositions et réalise des films. Le premier film qu’il a réalisé s’appelle Magume. Il l’a réalisé dans un séminaire au Burundi sur la question du génocide. Aujourd’hui, il participe à la réalisation d’un projet dans deux foyers Emmaüs dans un cadre collectif. »
Le message est donc clair : ne manifestez pas, et surtout pas pacifiquement. Quoi que vous fassiez, qui que vous soyez, les flashball, on les tirera à hauteur de tête. On ne veut en voir qu’une seule, de tête, et on veut la rendre aveugle. Ainsi vous ne verrez pas. Tout ce qui est détruit, autour de vous. Tout ce qu’on bafoue. Tout ce qu’on oublie. Et vous la baisserez enfin, cette tête, tandis que seuls nos casques brilleront sous un ciel trop bleu – marine, de préférence.
Eh bien non, voyez-vous, la tête, on ne la baissera pas. Et même s’il ne nous reste qu’un œil, on verra, on dénoncera, on protestera. Le grand-père de Joachim Gatti, Armand Gatti, a été résistant, condamné à mort (gracié en raison de son âge), déporté (évadé), parachutiste (médaillé), journaliste (couronné du Prix Albert Londres), cinéaste, écrivain-dramaturge-metteur en scène, entre autres choses… Aujourd’hui, il anime La Parole errante à la Maison de l’Arbre, à Montreuil, avec Hélène Châtelain, Stéphane Gatti et Jean-Jacques Hocquard. Un lieu associant, dans une production artistique, l’écriture, le théâtre, la musique, la peinture, la vidéo et le cinéma.
Nous sommes tous porteur de cet héritage de conscience et de résistance. De force de vie et d’action. Le moins que nous puissions faire est d’en être digne et de faire respecter les droits et devoirs de la démocratie.
De nombreux supports de presse, de nombreuses personnes ont relayé cette histoire révoltante. Je vous invite à lire – entre autres – Vacarme, Le Monde, Le Tiers Livre. Vous pouvez aussi signer la lettre de soutien initiée par Nicole Brenez et Nathalie Hubert.
Hier – actualité moins sanglante mais néanmoins révoltante –, j’apprends que ce sont les Instants Chavirés qui sont menacés, toujours à Montreuil. Pour ceux qui ne connaissent pas les Instants, c’est, depuis 1991, un lieu irremplaçable pour les musiques improvisées, expérimentales et bruitistes. Un lieu où, pour pas cher, on peut faire des découvertes phénoménales en sirotant un jus de gingembre maison. On y a découvert – la liste n’est pas complète, il s’agit simplement des artistes que je connais : Keith Rowe, Charlemagne Palestine, Don Caballero, Michel Doneda, Frédéric Le Junter, Tom Cora, Keiji Haino, Joëlle Léandre, Lê Quan Ninh, Taku Sugimoto, Thierry Madiot, Eric Cordier, The Nihilist Spasm Band, Jean-François Pauvros, Otomo Yoshihide, Labradford, Zbigniew Karkowski, Heliogabale, Sachiko M, Sun Plexus, Christian Marclay, The Ex, John Butcher, Carlos Zingaro, Bob Ostertag, Beñat Achiary, Jérôme Noetinger, Borbetomagus, Annette Krebs, Elliott Sharp… Mais aussi des soirées consacrées à la poésie sonore, par exemple : dans son annexe, l’ancienne brasserie Bouchoule, nous est proposé un autre regard autour des arts visuels et sonores.
Oui mais voilà, le fait de faire découvrir Keith Rowe, Charlemagne Palestine, Don Caballero, Michel Doneda, Frédéric Le Junter, Tom Cora, Keiji Haino, Joëlle Léandre, Lê Quan Ninh, Taku Sugimoto, Thierry Madiot, Eric Cordier, The Nihilist Spasm Band, Jean-François Pauvros, Otomo Yoshihide, Labradford, Zbigniew Karkowski, Heliogabale, Sachiko M, Sun Plexus, Christian Marclay, The Ex, John Butcher, Carlos Zingaro, Bob Ostertag, Beñat Achiary, Jérôme Noetinger, Borbetomagus, Annette Krebs, Elliott Sharp et de nombreux autres musiciens, des pièces de poésie sonore et d’art visuel contemporain à un large public, le fait de créer une dynamique de création inédite à Montreuil, un rayonnement international – la fameuse « qualité de l’image » dont les élus se préoccupent tant, vous savez ? « Ya pas que des kaïras, ya des gens qui bossent »… À Montreuil, les Instants Chavirés y œuvrent davantage que les institutions… –, ça, le Conseil général de Seine-Saint-Denis et la ville de Montreuil n’en ont apparemment rien à foutre puisque le budget des Instants Chavirés est réduit de 32 000 euros cette année, ce qui contraint les organisateurs à annuler l’intégralité de la programmation de l’automne. Si comme moi, cette situation – je sais, beaucoup d’autres, aussi – vous révolte, vous pouvez signer une pétition de soutien à cette adresse, voire écrire une lettre à l’attention de Monsieur le Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, et/ou de Madame le Maire de Montreuil, Dominique Voynet et l’envoyer par email à l’adresse : soutiens@instantschavires.com ou par courrier aux Instants Chavirés, 7 Rue Richard Lenoir 93100 Montreuil.
Zavez compris, j’aime pas le bleu, et surtout pas marine.
Bande son de ce texte :
– Tout autour de Vaduz de Bernard Heidsieck (cliquer sur « extrait », vous pouvez aussi en profiter pour acheter le livre/disque ou le faire acheter par votre bibliothèque ou vous le faire offrir pour votre anniversaire… C’est une des plus belles pièces de poésie sonore que je connaisse…)
– Une chanson de Mobiil (même parenthèse, version musique).
Ça fait plusieurs années que je cherche une copie de Ilha das Flores (L’île aux fleurs) du brésilien Jorge Furtado qu’on avait vu avec Laurent Cauwet chez notre ami (immense cinéphile, entre autres choses) Jacques-Henri Michot (qui sort d’ailleurs un livre prochainement chez Al Dante), un hiver, à Mouchin. J’avais arrêté de chercher il y a quelques mois, et puis, avec Youtube et Dailymotion… voici donc mon cadeau de fin d’année.
Ilha das Flores est un documentaire choc qui se passe au Brésil et qui a été tourné en 1989. Je lui emprunte fréquemment l’expression (parfois déformée par ma mauvaise mémoire) : « doté d’un télencéphale hautement développé et d’un pouce préhenseur »…
En VO :
Début :