[Un passage finalement supprimé d’Anomalie des zones profondes du cerveau.]
« La plupart des conversations deviennent absurdes – précise-t-elle. Un ami lui annonce un jour que le pamplemousse est dangereux, très dangereux. En association avec certains médicaments, il peut tuer. Il sait que qu’elle aime ça, le pamplemousse. Pas les moitiés façon années 1980, et le jus qui atterrit toujours très précisément dans la pupille quand on enfonce maladroitement la cuillère. Non. Le gros agrume épluché puis soigneusement dépouillé afin que la pulpe apparaisse dans sa brillance et soit croquée. Le fruit, en entier. Elle y cède souvent. Quoi de meilleur pour la santé ? En y réfléchissant, en effet, la pulpe est ainsi aussi tentante qu’un champignon vénéneux, qu’un prédateur qui cherche à attirer sa proie. Mais franchement, le pamplemousse mortel, quelle blague. Pourquoi pas la papaye étrangleuse, tant qu’on y est ? Après quelques jours d’incrédulité moqueuse, elle se décide à vérifier. Et à sa grande stupéfaction, le pamplemousse démultiplie l’effet de certains médicaments. Dont, justement, l’Isoptine (Verapamil), utilisé en traitement de l’algie vasculaire de la face… Colère. Elle est devenue un équilibre tellement précaire qu’un simple agrume pourrait la faire chavirer dangereusement. Tuée par un pamplemousse. La guigne. »
