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© Stéphanie Solinas

J’ai habité pendant une dizaine d’années dans le 18e arrondissement de Paris tout en travaillant dans le 8e, chez Laureli/Léo Scheer. Deux fois par jour, donc, je passais le long du cimetière Montmartre. Je le voyais défiler rapidement depuis mon poste surélevé – un peu comme si je cheminais à dos d’éléphant – : le bus 80. Un jour, mon œil a accroché le nom d’une famille sur un tombeau : « FAMILLE SUPPLICE ».

Je l’ai aussitôt adoptée, bien entendu. Elle soufflait son souffle chaud et littéral sur mes blessures, pour les apaiser : « famille » = « supplice », il ne reste qu’à sourire et aimer, à bercer ses douleurs ; après tout, le « supplice » n’est jamais qu’une prière, originellement.

Tous les jours, je guettais l’apparition de la famille Supplice. Parfois, il y avait trop de buée sur les vitres ou pas assez de lumière, mais j’avais appris à reconnaître sa muette pulsation dans l’ombre.

 

Bien des années plus tard – mais l’on sait que le temps n’existe pas –, avec l’artiste Stéphanie Solinas (notamment créatrice de la série Déserteurs et de bien d’autres œuvres vibrantes, vivantes) –, nous retrouvons le tombeau de la famille Supplice. C’est un jour d’été indien au ciel blanc. Nous parlons d’amour, de ce que c’est de vivre la vie d’une femme qui crée et de l’odeur des fleurs coupées. Et Stéphanie m’y prend en photo. Elle me fait le cadeau de son regard.

 

C’est une image qui est aussi une histoire – et une amitié.