(Dialogue avec Raymond Federman pendant l’écriture du livre Anomalie des zones profondes du cerveau.)
« Hey, salut ma sexy éditrice !
— Raymond ?!…
— Ben ouais.
— Mais comment… ?!…
— T’as pas bien lu Les Carcasses[1] ou bien ?…
— Excuse. C’est quand même un peu étonnant…
— Oh, si peu. Dis, on est bien dans ce livre. C’est douillet, un peu grinçant en même temps, et bien bordélique comme j’aime.
— Merci.
— Et puis chuis ravi de voir que tu t’y mets enfin.
— À quoi ?
— Au « triste fourire », voyons. À la grande équivoque du « moinous[2] »… Enfin, à ta sauce, bien sûr.
— C’est sympa pour mes autres bouquins…
— Fais pas ta vexée, je t’ai toujours dit que j’aimais bien ton Éros Peccadille…
— Mouais. Mon machin bien viandeux de jeunesse. Merci bien.
— Et puis la voix de ton René dans Soliste, c’est vachement bien trouvé.
— C’est toi le modèle, tu sais.
— Entre l’argot années 1950 et le clin d’œil de la scène olé olé sur fond de chant de grenouilles[3], difficile de le louper, en effet… ça m’a fait vachement plaisir, c’est quand même le personnage le plus drôle.
— Tu sais bien que je ne peux pas me passer de toi.
— Et tu pioches dans la matière vive, that’s my girl!
— Raymond ?
— Oui ?
— Tu restes un peu, dis ?
— Désolée, j’ai une revanche à prendre au golf avec Beckett, il m’a mis 11 putain de birdies dans la vue. Il m’attend.
— Reviens vite, alors. S’il te plaît…

[1] Raymond Federman, Les Carcasses, Laureli/Léo Scheer, 2009. Dans Les Carcasses, après la mort, les êtres se transforment en « carcasses » attendant d’être « transmutées » dans une nouvelle « carcasse ». C’est une sorte de réincarnation.
[2] Expressions federmaniennes.
[3] En anglais, on peut surnommer les français, les « frenchy » du nom de « frog », « grenouille ». C’est ainsi que Federman s’est entendu nommé à son arrivée en Amérique, notamment à l’armée. Il le raconte dans son Amer Eldorado.