On dit que même Zeus était migraineux.

 

Alors qu’il était sur les bords du lac Triton, il ressentit une violente crise de migraine. À tel point qu’il demanda à Héphaïstos de lui ouvrir le crâne d’un coup de hache, donnant ainsi naissance à Athéna, Pallas Athéna

aux yeux pers, gris, brillants, ou aux yeux de chouette (selon les traductions : γλαυκῶπις / glaukôpis),

de bon conseil (πολύϐουλος / polúboulos),

fille de Zeus porte-égide (θυγάτηρ Διὸς αἰγιόχοιο / thugáter Diòs aígiókhoio),

fille de Zeus qui amène du butin (Διὸς θυγατὴρ ἀγελείη / Diòs thugáter agélein*).

 

La déesse de la guerre, de la sagesse, des artisans et des artistes est donc née d’une migraine…

 

Nombreux sont ainsi les artistes et écrivains migraineux. J’en cite quelques-uns dans Anomalie des zones profondes du cerveau, revenant plus en détail sur le cas de Lewis Carroll notamment commenté par le docteur Jean-François Chermann.

 

Oliver Sacks © Adam Scourfield/BBC/AP Photo

Oliver Sacks © Adam Scourfield/BBC/AP Photo

Parmi mes inspirations constantes, je pourrais citer les travaux d’Oliver Sacks pour leur intelligence, leur générosité, leur profonde humanité. Je me rends compte que je n’ai pas encore lu son dernier livre, L’Odeur du si bémol, dont je vais donc pouvoir me régaler prochainement. Et je tombe sur cet article paru l’année dernière dans Télérama, que je vous invite à lire. Outre son Musicophilia qui est une référence incontournable, L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau, L’Éveil (dont je vous conseille d’ailleurs également l’adaptation cinématographique), j’ai lu son tout premier livre, Migraine (dont la version française est à ma connaissance en ce moment épuisée, je n’ai pas réussi à la trouver mais on peut se le procurer facilement en langue originale) pendant l’écriture d’Anomalie des zones profondes du cerveau. Il y détaille particulièrement les migraines avec aura dont il souffre lui-même – et qui du point de vue des manifestations esthétiques ont plus d’attrait que l’algie vasculaire de la face…

J’ai souvent pensé à lui écrire ; je ne l’ai jamais fait.

Quand je pense qu’il s’est relancé dans les fugues de Bach à 75 ans…

 

Quelques extraits de l’entretien qui résonnent particulièrement avec Anomalie des zones profondes du cerveau :

 

« Dès ma plus tendre enfance, j’ai été sujet à des crises de migraines visuelles, occasionnellement auditives ou olfactives. Il est terrifiant de voir ainsi l’univers détruit puis reconstruit en l’espace de quelques secondes. J’ai eu très tôt la preuve que le monde est une construction : il est fabriqué par nos cerveaux. »

« L’écriture est tout pour moi, qu’elle se passe bien ou mal, qu’elle me plonge dans l’extase ou le tourment. En fait, elle a été, dans ma vie, la source principale de ma joie et de ma détresse. »

« Je suis fasciné par cette capacité d’adaptation, par la créativité que déploie l’homme pour préserver son identité. Il existe, d’un côté, la base génétique et neurologique, et, de l’autre, les événements historiques qui nous façonnent. Tout, dans l’homme, se situe à l’intersection de la biologie et de la biographie. De l’organique et de l’historique. »

« Il faut […] toujours voir la personne, avant de voir la maladie. […] La médecine est un art. L’art de l’observation et de la description, l’art de la relation avec le patient. Il faut que cet art résiste à l’invasion de la technologie, et au danger qui consiste à traiter les patients comme de vulgaires paquets passés sous un scanner et non comme des êtres vivants. C’est négatif aussi pour les médecins, réduits au statut de machines à diagnostic. Nous devons humaniser la technologie avant qu’elle nous déshumanise. La science ne doit pas se départir de l’art, de la poésie. »

 

Oliver Sacks

 

 

* Épithètes homériques.