ChristopheJacquet_Poulpe2010

 

… Je suis à Palerme où j’arrive à dénicher une chambre à 40 euros – j’aimerais bien y passer une bonne semaine à écrire. La dame de l’accueil, qui ressemble beaucoup à mon ostéopathe, me dit qu’elle a ça mais avec la douche sur le palier. Je lui réponds que cela m’est égal et nous visitons. En fait, la chambre est magnifique, dans un style de villa grecque – beaucoup de lumière, murs très blancs… je pense que j’ai reproduit une pièce décrite dans Le Soleil de Jean-Hubert Gailliot –, et donne directement sur la mer, comme si on était dans un bateau. Un rêve. La douche est bien sur le palier… mais la chambre comprend une baignoire… Il y a un bureau et une grande banquette face à la mer. Je croise Alexis Lavis dans les rues de la ville.

Dans l’avion du retour, je prépare une émission de radio avec Marianne Alphant. C’est sur son invitation, dans un programme de Martin Quenehen sur France Culture. Marianne me dit qu’elle a finalement besoin que je lise un bon quart d’heure au lieu des trois minutes prévues, or, je n’ai ni livres ni ordinateur, juste une clef USB contenant des textes. Je commence à stresser. Elle me rassure en me disant qu’on pourra imprimer en arrivant. Nous sommes en retard mais je mets un temps fou à décider des textes que je souhaite lire, j’ai un sacré trac, ne me sentant pas préparée.

L’émission se déroule dans l’aéroport. L’imprimante qu’on déniche crache un plan d’un mètre sur un mètre cinquante – un plan de l’architecte Jean-Luc Pérez –… mais pas mes textes. Je cherche donc un Mac pour lire directement sur écran. Je déteste ça, mais je me dis qu’à la radio, ça passera… Je croise un collègue, le peintre Édouard Prulhière, et lui demande si je peux utiliser son ordinateur mais il doit filer, il a un entretien avec un étudiant… Le stress monte. Le plateau de l’émission est installé dans un MacStore-café – ce qui semble rassurant eu égard à mon problème… Quand nous arrivons, pendant la pub (sur France Culture ?!? Ah ! les songes…), Martin Quenehen nous dit que comme il n’avait pas de nouvelles de nous et que nous sommes en retard, il a prévu un débat entre les participants – dont Jean-Michel Espitallier et Julien Blaine. Ils me saluent et s’enquièrent de mon absence pendant la première partie de l’émission. Julien me demande si j’ai mangé du poulpe à Palerme. Martin me dit que j’ai une robe tout à fait radiophonique – et en effet, je me rends compte que j’arbore la robe rouge que portait Marina Abramović au MoMA 2010 pour sa performance quotidienne. Je me maudis de m’être inventé un problème, de m’être crispée sur des enjeux inexistants, comme souvent, et de m’être angoissée pour rien. Marianne insiste pour que je lise au moins six ou sept minutes. Je brandis ma clef USB et demande un Mac à une serveuse. Elle pointe une tasse du doigt d’un air fier en me disant : « C’est une i-Tasse avec un multi port USB, là » – en désignant un angle. J’ai envie de la gifler mais bien sûr, je n’en fais rien. O fucking tempora, o fucking mores. J’observe ce sentiment d’exaspération, je respire un bon coup, et avec un ton que j’espère calme, je lui rétorque : « Non mais j’ai besoin d’un putain d’écran et d’un putain de clavier, s’il vous plaît, allez me chercher un MacBook Air, une tablette, enfin vous voyez quoi ! » Martin reprend l’antenne et me passe la parole…

 

 

En guise de présent de début d’année, ce tout premier rêve. Je vous rassure, je ne m’en souviens presque jamais, donc ils n’encombreront pas mon journal… De surcroît, comme vous pouvez le constater, quand je ne rêve pas que je n’arrive pas à trouver une salle pour faire cours à l’ESADHaR ou que j’ai laissé une faute sur la page 48 de telle maquette, je rêve d’émission de radio ou de paragraphe à réécrire… On a l’inconscient qu’on mérite.

 

[en illustration, le poulpe de Christophe Jacquet, 2010]