Pour beaucoup de personnes souffrant d’algie vasculaire de la face, l’alcool est un déclencheur de crises. C’est bizarre, ce ne sont jamais les brocolis ou l’huile de foie de morue qui sont pernicieux… mais toujours alcool, tabac, drogues chimiques…

Et après une période variable de déni, il faut s’y résoudre : arrêter rigoureusement l’alcool. C’est plus ou moins pénible selon le degré d’accoutumance de chacun. Et surtout, on découvre à quel point, en France, en tout cas, l’alcool est un facteur de cohésion sociale incontournable. (Je n’évoque même pas le milieu du livre en particulier…) Il est très difficile de s’en extraire, même avec d’excellentes raisons…

 

 

Quelques exemples :

 

a) Quand on explique lors d’un cocktail, d’un vernissage, qu’on ne boit pas :

  1. air incrédule puis moqueur voire finalement un peu agressif de la personne qui en est déjà à son cinquième gobelet de cubi ;
  2. si vous êtes une femme en âge de procréer : hurlement à vous percer le tympan puis mains sur votre ventre ;
  3. « Tu veux plus t’amuser, c’est ça ? »
  4. « Déconne pas, ya du champagne bio ! »

 

b) Au bar-restaurant où on a ses habitudes, air réprobateur du patron, tentatives répétées « Non mais même pas un petit verre de blanc ? », « Allez, une Pietra ! » s’achevant sur… des digestifs offerts à la fin du dîner. Ce qui est très gentil.

 

« J’ai bien vu que tu n’avais pas touché au digestif.

— Robert, le cognac, c’est de l’alcool, tu sais. Et je t’ai dit…

— Ah oui pardon… »

 

c) Au restaurant universitaire, tentative de salade de fruits mangée un peu mécaniquement car en pleine discussion pédagogique – ou alors on parlait de la sexualité du canard, je ne sais plus – avec un collègue, lorsque soudain, arrivée à la moitié : mais ce goût bien prononcé, ne serait-ce pas…

 

« Rebonjour chef. Très bons les haricots verts et le riz, toujours impeccable. Dites-moi, euh, il n’y aurait pas de l’alcool, par hasard, dans votre salade de fruits ?

— Non, c’est du rhum. »

 

 

L’avantage, en arrêtant l’alcool, c’est qu’on peut réussir un blind test en eaux minérales haut la main, sachant reconnaître la finesse de telle bulle par rapport à l’énergie de telle autre… Cela peut permettre d’exercer une innocente passion pour l’eau d’Orezza. Et de se spécialiser en millésimes de thés. Les infusion, c’est très bien aussi – surtout 1336

 

 

Ce ne sont que quelques exemples parmi de très très nombreux autres – dont certains apparaissent dans Anomalie des zones profondes du cerveau. Cette expérience est finalement très instructive. On révèle ainsi, à nouveau, l’arbitraire de certains éléments de la législation : cette substance pernicieuse qu’est l’alcool est socialement encouragée : ne pas boire, c’est s’extraire d’une interaction, d’un « bien vivre » à la française ; les benzodiazépines sont très largement prescrites à la moindre petite angoisse alors qu’on commence à se demander si par hasard, il n’y aurait pas des conséquences un peu pénibles à long terme du genre maladie d’Alzheimer*… Et pendant ce temps, les personnes atteintes de maladies graves qui sont soulagées par le cannabis, par exemple, risquent la prison. Et les recherches concernant les tryptamines pour soigner l’algie vasculaire de la face avancent difficilement pour les mêmes raisons, même si de nombreuses études clament que c’est une substance plus que prometteuse – je le développe dans le livre.

 

* Benzodiazépine & Alzheimer, références : Inserm, Vulgaris médical – il y en a bien d’autres…