Donc, finalement, le passage sur les Indiens pirahãs s’est retrouvé dans mon livre Ensuite, j’ai rêvé de papayes et de bananes. Il a été publié en mars 2015 par les éditions Le Monte-au-l’air et se déploie de façon au moins aussi gourmande que peuvent le faire les fruits du titre :

 

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[Photos du livre © Alexandre Chaize.]

C’est Fanette Mellier qui a réalisé graphiquement l’ouvrage. Comme elle l’écrit : « Ce livre n’est pas relié. Il prend néanmoins corps par la magie des plis, déplis et replis, et peut se déployer dans l’espace. Il invite ainsi à une lecture déployée, une lecture de résistance. En affirmant fort sa matérialité iconoclaste, il fait écho aux langues qui disparaissent.

Les six rabats de la jaquette-couverture invitent à un jeu de composition/décomposition avec le mystérieux titre du livre. Imprimée sur un papier martelé coloré de vert pastel fluorescent, le titre déconstruit est imprimé en dorure à chaud miroir.

Le corps du livre (ses pages intérieures) est un dépliant accordéon horizontal, la lecture suit le fil d’une pagination zig-zag. Le papier est un offset classique, imprimé en un ton direct.

La liste des langues récemment disparues est traitée en annexe comme un dépliant accordéon vertical, une liste se déployant en boucle. Le papier est un bristol vert amande, imprimé en pourpre fluorescent.

Un dos est néanmoins ménagé afin que cette proposition de lecture sans fin trouve sa place au sein des rayonnages. »

 

Ce livre raconte l’histoire d’un robot ingénieux, Silvio – un robot très sophistiqué, de science-fiction – qui, au contact de celle qui n’aime pas être appelée sa « propriétaire » – et qui semble un double de l’écrivain – est incité à devenir autonome. Constatant qu’une grande partie des langues créées par les humains disparaissent, ne comprenant pas cette perte, il décide à la fois de mémoriser les données existantes sur les langues éteintes, de sauver les langues en voie de disparition, et de créer un langage.

Le robot, sorte de « bon sauvage » des temps futurs, fidèle à la tradition des Lumières, considère l’humanité, son génie, ses manquements, avec tendresse et perplexité. Il est en contact permanent avec la communauté de ses pairs dont certains sont bien plus critiques vis-à-vis des hommes.

Au-delà, le livre s’interroge sur les modes possibles de coexistence entre hommes et machines intelligentes. Mais aussi sur les rapports entre intelligence et pouvoir : l’intelligence doit-elle, absolument, être dominatrice ? La richesse n’est-elle pas davantage d’aller contre l’uniformisation et de permettre à de multiples cultures de se développer ?

 

Anomalie des zones profondes du cerveau et Ensuite, j’ai rêvé de papayes et de bananes ont été écrits plus ou moins en même temps et sont de formes très différentes ; le second est également plus court.

 

Mes recherches m’ont amenée à m’intéresser au linguiste et anthropologue Daniel Everett qui a principalement travaillé auprès d’une ethnie du Brésil : les Pirahãs. Ses découvertes iconoclastes se sont tout d’abord naturellement trouvées parmi celles qui peuplent Anomalie des zones profondes du cerveau. Et puis finalement, il m’a semblé plus logique de l’offrir à l’imaginaire du robot Silvio…

 

DanielEverett_Piraha

 

Si le sujet vous intéresse, vous pouvez bien sûr le découvrir dans Ensuite, j’ai rêvé de papayes et de bananes… Je vous recommande également un livre de Daniel Everett traduit en français : Le Monde ignoré des Indiens pirahãs, Flammarion, 2010 – traduction de l’anglais (États-Unis) par Jean-Luc Fidel de Don’t Sleep, There Are Snakes. Life and Language in the Amazonian Jungle, Pantheon Books, 2008. Pour les anglophone, n’hésitez pas à vous procurer également Language, the Cultural Tool, Profile Books Ltd, 2012.

Un film a également été consacré aux Pirahã et à Daniel Everett : The Grammar of Happiness, documentaire de Michael O’Neill et Randall Wood, 52 minutes, Essential Media & Entertainment, Australie, 2012.