Un-e ami-e te dit : « Je trouve révoltant qu’on mange des animaux, quelle ignominie, les abattoirs ! » Tu réponds : « Oui mais la déforestation, alors ? Tu n’en parles pas ! »
Ton inspecteur des impôts te fait remarquer que tu ne les as pas payés, tu réponds : « Ah mais j’ai payé mes factures EDF ! »
On évoque la banalisation manifeste des agressions sexuelles et du harcèlement des femmes, tu réponds : « Oui mais il y a des hommes agressés aussi, par des femmes » – quand bien même on ne parle ni du même nombre ni du même phénomène socialement banalisé.
Vous voyez le problème ?
Point commun : on mélange des choses de nature différente ce qui donne un bruit chaotique au sein duquel chacun gueule son opinion, bien planté dans ses bottes, au lieu de permettre l’observation de faits, leur comparaison, au lieu de réfléchir ensemble à ce qui pourrait être fait pour améliorer les choses. Au lieu de permettre à sa propre réflexion d’évoluer.
C’est normal de céder à cette facilité ou de peiner à le remarquer car c’est partout autour de nous. On nous apprend de moins en moins à penser – des citoyen-n-e-s qui pensent, grands dieux, quelle chienlit. On nous apprend de moins en moins à penser, ce qui est logique quand on sait que les « stars » de la téléréalité vendent plus de livres que les philosophes. Que tout glisse sûrement vers le marché de masse.
C’est ce qui permet de garder œillères et préjugés – ce qui sert qui, je vous le donne en mille ? Ben les dominants.
Tant qu’on se raccrochera à des raisonnement qui ne tiennent pas ou sont hypocrites, mélangent des choses de nature ou présupposés différents, on n’avancera pas, on restera dans l’absence de pensée dans laquelle on nous tient à dessein (via les médias – en particulier la télé –, les discours politiques…) et qui est le plus efficace outil de pacification sociale qui ait été inventé…
Retrouvons nos armes : pensons, échangeons, faisons évoluer nos représentations. Il ne faut pas craindre d’être maladroits, excessifs, de subir le choc de ces changements, en nous-même. C’est commotionnant ; c’est normal. Pas d’anathèmes ni de moqueries ni de suspicions ; de l’échange, avec toute la bienveillance dont on est capable. C’est ce que je souhaite, tout du moins. Accueillir les témoignages sans se sentir mis en danger – personne n’est le centre du monde mais la lumière d’une constellation ; il convient de raviver sans cesse sa propre flamme, sa conscience, pour la faire briller : » You got to burn to shine » (John Giorno). De l’échange, la construction, ensemble, d’une société plus juste. Ce qui compte, c’est l’horizon.
Errare humanum est, perseverare diabolicum.
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