Robots après tout est un album qui divise les kateriniens.

Il y a les kateriniens de toujours – dont je suis – qui adorent.
Il y a les kateriniens déçus, ceux qui préféraient la veine bossa et déplorent les influences électroniques – pourtant l’esprit est le même de « Je vous emmerde » à « 100% VIP », ou de « Poulet n°728120 » au « Train de 19h »…
Et puis évidemment, il y a les néokateriniens – c’est, finalement, l’avantage du système médiatique. L’écume starac’ se répand toujours très loin.

Robots après tout est un album essentiel de ces dernières années dans la mesure où il constitue une spectacularisation critique de l’époque tout en s’y insinuant à pas feutrés aux talons pailletés. Critique dans le sens de « miroir », pas de « condamnation ». La posture de supériorité parfois mimée par Philippe Katerine dans une excess conviviality drôle et geignarde, froissée (« Patati patata »), dégonfle les effets en les assénant au sein d’un monde qui n’est jamais manichéen. Ici les « robots » portent des sous-pulls roses, la seule blonde de l’album n’est autre que… Marine Le Pen (Aaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhh), le réel est prégnant, bruissant (« Numéros »), parfois collant et lourd (« Borderline »…)

La mélancolie à l’œuvre dans les albums précédents n’a pas disparue, au contraire. On retrouve bien l’anti-héros Katerine, le poète qui emmerde la poésie et qui nous emmerde… en s’emmerdant. Les inflexions demeurent, les couleurs. Déjà des sous-pulls dans les Mauvaises Fréquentations ; la manie des titres-dates (dès L’Éducation anglaise : « 21 mai 1993 »), un rapport toujours plus ou moins problématique aux femmes-passantes.

Philippe Katerine pense un présent à habiter, à faire grincer avec jolies couleurs pastels à travers une inscription temporelle tenant compte du passé (les souvenirs, l’ancrage temporel : « Le 20.04.2005 ») tout en imaginant une projection future, comme dans la chanson « 78.2008 » (le topos « quand on aura 20 ans » heureusement revisité…)

L’« après tout » polysémique de Katerine est à la fois un constat dandy, détaché mais aussi une simple locution consciente d’appartenir à une diérèse qu’on ne fait pas que traverser mais qu’on incarne à travers une histoire personnelle concurrençant l’Histoire armée d’un grand H (« 11 septembre »).

D’où la posture d’énonciation d’ « Après moi » (cf. vidéo ci-dessus) qui, certes, provoque mais surtout stigmatise les réflexes du discours – robotisés – ce qui est renforcé par la structure karaoké de l’ensemble (la répétition dirigée, mot par mot) :

« Répétez après moi : “On n’a rien compris au film” = “On n’a rien compris au film”
(…)
Répète après nous : “T’as rien compris au film” : “T’as rien compris au film” … »

Le « je » ne s’approprie pas le discours qu’on tente de lui attribuer. Il se joue toujours de ce qui l’inclut, constate l’incommunicabilité foncière de tout échange (« Qu’est-ce qu’il a dit ? ») et observe les phénomènes collectifs (comme dans « Louxor j’adore »). Il est inattendu (« Excuse-moi »), s’échappe, déplace les horizons et les attentes…