Je n’étais franchement pas une surexcitée de l’écriture inclusive mais plus je lis les arguments de nombre – ne laisse pas l’adrénaline flamber dans tes veines, chéri·e, j’écris bien « nombre » – de ses forcené·e·s détracteurs et détractrices, plus cela donne envie de la pratiquer !
Rhétorique de l’insulte, approximations, mauvaise foi ou contre-vérités, inculture linguistique, conservatisme effréné, « un papa une maman »… au secours.
Nous ne sommes pas les laquais d’une langue du pouvoir. Chaque voix la fait vivre. Nous sommes là pour la faire évoluer, la réinventer, jour après jour. Son histoire le prouve.
L’un des arguments avancés avec des cris d’orfraie est « Sacrilège ! Baudelaire en écriture inclusive, ce serait un massacre ! » Mais qui diable demande de réécrire les classiques de la littérature en écriture inclusive ? Si des écrivain·e·s contemporain·e·s ont envie d’expérimenter l’écriture inclusive, ce choix leur appartient, mais il est clair que l’équitable représentation des personnes des deux genres dans un groupe donné concerne avant tout les proses professionnelles, les e-mails, etc. Il n’est pas nouveau que les politicien·n·e·s débutent leurs discours par « Françaises, Français… » – « compatriotes » ayant l’intérêt d’être épicène. Quand on s’adresse, par exemple, à des étudiantes et à des étudiants, on peut très bien écrire « étudiant·e·s » ; La Langue Française ne s’en effondre pas pour autant. Quant à l’accord de proximité, il se pratiquait en grec et en latin – il fait donc partie du patrimoine…
Ceci dit, il serait absurde d’opposer un dogme à un dogme et je puis tout à fait comprendre que cela hérisse, cette histoire d’écriture inclusive. Les changements grattent toujours un peu et, en l’occurrence, certaines propositions sont peu fluides ; elles ne sont sans doute qu’une étape vers d’autres usages. Seul l’avenir pourra nous le dire.
Je compatis car la communauté des hérissé·e·s comporte un tel nombre de personnes qui pensent que les bonnes femmes commencent à faire chier – déjà qu’on ne peut plus les peloter sans leur consentement, il faudrait en plus qu’elles soient visibles au détour des phrases… – et qui manifestent une méconnaissance coupable de l’idiome qu’ils et elles – pour ne pas écrire « illes » – prétendent défendre le glaive de l’invective au bout de la langue, qu’il sera fort valeureux d’y faire entendre une parole juste et sereine. Mais j’ai confiance en vous – donc bon courage à toutes et tous.
Il y a plein de nouveaux usages qui bousculent la conception que nous avons, chacun·e, de notre propre langue. De l’auto-correction aux SMS, des smileys aux abréviations… de nombreux tics de langages qui passent comme des modes, de nouveaux argots… ce qui importe, à mon sens, plutôt que de se crisper sur tel ou tel changement, c’est de boire à la source de son patrimoine langagier, sans cesse renouvelé, et toujours bien plus téméraire et indocile qu’on ne le croit : la langue des écrivain·e·s.
Les outrances de Rabelais, les tirets et autres libertés de Laurence Sterne, les expérimentations graphiques de la poésie concrète, les Dépôts de savoir & de technique de Denis Roche, le roman écrit uniquement sous forme de questions de Gilbert Sorrentino (La Folie de l’or), celui en octosyllabes de Vikram Seth (Golden Gate) – ces deux derniers exemples déstabilisant puissamment le rythme de lecture –, Ulysses de James Joyce, Compact de Maurice Roche, « la chevalier » de Kathy Acker – et les poèmes persans qui trouent sa langue anglaise –, le « roman poétique » spatialisé d’Hélène Bessette, Enig Marcheur de Russell Hoban………….. et les trois poins de Céline, tiens, on en parle ?……………………………. et la syntaxe de Reinhard Jirgl !……………………… &tc.